Simulacre(20/09/12)

Faute de s’être accommodé de la réalité par le truchement du symbolique, on n’a aujourd’hui de cesse que de tenter de la dépasser ou à défaut de s’en extraire.

Le choix qui a été fait est celui du simulacre, façon de doubler le réel pour s’en émanciper, voire s’en débarrasser une bonne fois pour toute.

Poser le simulacre comme rapport à la réalité, c’est prétendre au pouvoir de l’infléchir, de la remodeler à volonté et même de la nier. Mais c’est aussi s’exposer de manière paradoxale à la perte pourtant elle aussi réfutée.

 Accepter la réalité, c’est jouer le jeu du symbolique, c’est accepter la complexité d’un rapport au monde dans lequel on n’a pas d’autre choix que de s’inscrire, de se « commettre ».

La présence au monde est alors inévitable, fatale, sans pour autant interdire d’échappatoire.

Ainsi, auparavant, le multiple en chacun, face à la réalité, s’exprimait dans une forme de schizophrénie, cela sauf à vouloir  adhérer à cette même réalité sans réserve, à renoncer au jeu de la pensée et à celui  la séduction qui en découle.

Le langage, qui rappelons-le construit le monde autant qu’il dit notre impuissance à le dire véritablement, subit lui aussi le contrecoup du choix du simulacre. Il s’appauvrit et les objets se substituent à lui, à ce qu’il assumait de la distance et de la perte. Paradoxalement, certains de ces objets, en passe de se miniaturiser à l‘excès par le fait des nanotechnologies et d’investir le corps, sont désignés comme objets de communication. Ce sont à vrai dire des objets dont la visée est de court-circuiter toute communication au profit d’une immédiateté tyrannique voire paranoïaque. Par cette immédiateté pas de distance, mais une succession de simulacres et de fragments.

De simulacres en simulacres, on finit par ne plus s’y retrouver, et la perte de repère tangibles conduit le nouveau sujet à la fragmentation. Il lui est plus facile de produire des fragments à la surface d’une réalité à laquelle le simulacre fait écran que de tenter de résister pour construire une unité.

La surenchère du simulacre conduit à la plus totale confusion, à la dépréciation du monde qui s’effondre faute des étais du langage.

Lorsqu’on aura atteint le degré du simulacre du simulacre, si ce n’est déjà fait, nous entrerons dans une dimension fatale : plus de retour sur image possible, mais un errement dans une nébuleuse surchargée d’informations virtuelles aléatoires. Nous serons entrés dans l’ère de l’indécidable.

C’est à se demander si au bout du compte on ne va pas finir par se retrouver confronté au destin fatal auquel l’homme semble avoir toujours aspiré, à savoir sa disparition définitive (après le post et transhumain, le virtuel absolu et vertigineux).

Difficile à vivre pour qui a prétention à revendiquer et à défendre son quant-à-soi : le monde n’offre guère de sécurité et d’espaces propres à une telle revendication.

Aussi a-t-on bien souvent l’impression de pédaler à côté du cadre, quand auparavant un cynisme bien nourri nous laissait le loisir et la possibilité de descendre et de se regarder pédaler, ce, tout en sachant qu’il faudrait remonter sur la machine…

 

Marc Bozec.



20/09/2012
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