requiem? (31/10/22)

« De nombreuses start-up s’échinent à donner vie au concept de l’immortalité numérique. Parmi elles, Somnium Space, à Londres, qui, au printemps dernier, a annoncé travailler sur une fonctionnalité baptisée Live Forever. Objectif proclamé : prolonger notre existence dans le métavers, voire pouvoir parler avec les morts – en zappant que l’on a affaire à une intelligence artificielle.

 

Il existe déjà les «deadbots» (interlocuteurs virtuels) qui, grâce à l’intelligence artificielle (IA), permettent de tchatter avec un disparu sur la base de données récoltées à partir de textos ou de publications postées sur les réseaux sociaux » (par Katia Dansoko Touré, Libération, 31 octobre 2022)

 

Sans doute une illustration du «  thanatocapitalisme » qui surfe ici sur la pulsion de mort en tant que marchandise valorisable et négociable, et qui exploite étonnamment le déni de la mort. La mort se dématérialise alors pour ne plus être qu’une information numérique et le deuil se résume au pouvoir d’être le spectateur décideur de l’évocation de la mort comme de sa négation. La mort devient ainsi un bien de consommation qui défactualise l’existence dans sa dimension de finitude.

 

Autrefois, on confiait les morts à des portraits photographiques ou picturaux qui n’en n’étaient pas moins vivants, de part ces expressions singulières dans laquelle les sujets avaient pris la pose cherchant à s’approcher au plus près d’eux-mêmes. Il n’en demeure pas moins qu’ils semblaient continuer à vivre, voire même à vieillir comme vieillissait le support.

 

Là, c’est un surgissement dont il s’agit, et qui incarcère le mort dans des limbes numériques, le laisse convocable à merci en le neutralisant du fait de sa virtualité.

 

La mort est somme toute devenue un phénomène « capital », quantifiable, négociable et qui cède à l’excitation pulsionnelle du consumérisme global qui nous a contaminés insidieusement sous couvert de l’illusion d’une libération absolue. (libération de quoi, on se le demande, si ce n’est de notre humanité !)

 

Requiem in pace, pas si sûr…

 

Marc Bozec.

 



31/10/2022
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