production et séduction (09/07/22)

En son temps, Jean BAUDRILLARD disait de la séduction qu’elle était plus forte que la production, qu’elle s’y oppose en tout. Il disait d’elle qu’elle est « ce dont il n’y a pas de représentation possible, parce que la distance entre le réel et son double, la distorsion entre le même et l’autre y est abolie » et que sa « stratégie est celle du leurre », qu’elle  «  guette ainsi toutes choses qui tendent à se confondre avec leur propre réalité » (ainsi en va-t-il de Narcisse et de son reflet).

 

Si la séduction est plus forte que la production, ne serait-ce que parce qu’elle en est pour partie l’instigatrice (le profit en étant le principal), il semble qu’elle ait réussi à faire à ce que la seconde atteigne sa part maudite et  s’abîme dans la contemplation délétère d’elle-même. Il semble que cette dernière  se soit laissée prendre au piège de son double fantasmé, la surconsommation pathologique et la surproduction, l’une et l’autre envisagées comme exponentielles et infinies, voire éternelles. Elle succombe ainsi à sa propre  stratégie qui en devient fatale.

 

Que ce soit des biens de consommation qui soient produits, des plus values obscènes, ou de la valeur narcissique humaine, tout n’est qu’excès de production et absence de sens.

 

Je crois que c’est cette même absence de sens en réponse à une angoisse existentielle latente qui fait que la consommation, la production séduit : elle propose dans le consumérisme un reflet rassurant de potentialité d’action comme de fuite, et permet de se leurrer avec une idée d’une liberté sécuritaire paradoxale, celle d’un possible libre arbitre, d’un quant à soi inaltérable, durable et singulier.

 

Ainsi, l’individu se produit-il pour échapper au sens ou à l’absence de sens, au vide existentiel.

 

Ainsi, le politique se produit-il hors du sens, dans l’immédiateté déclarative et dans la séduction de son propre discours et se met lui-même au défi de pouvoir être. Cela tout en sachant que s’il est vraiment, il court à sa propre perte : il entretient l’illusion, la farce, le simulacre du politique sans les quels il reste lettre morte.

 

Le leurre comme nouveau paradigme ? il va de soi qu’il ne peut que se complaire à l’idée du déni comme modèle réactif...

 

Peut-être qu’à trop vouloir en jouer sommes-nous tombés dans les rets de la séduction ? Jean BAUDRILLARD  la disait « processus circulaire, réversible de défi, de surenchère et de mort ».

Inquiétant, non ?

 

Marc Bozec



09/07/2023
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