Marine le pen : une indignée.

 

Le choix de ce titre fera sans doute bondir plus d’un, et c’est à dessein que je le choisis. Quel rapport peut-il bien y avoir entre la leader du FN et le mouvement des indignés ?

 

Aucun, sur le fond. Mais ce qui interroge, c’est l’usage qu’elle fait de l’indignation qu’elle reprend à son compte dans la lettre aux candidats du second tour.

«  Malheureusement aujourd’hui, vos propos de campagne sont très irrespectueux de mes électeurs. Et je ne peux laisser la campagne d’entre-deux-tours se dérouler sans m’adresser à vous et vous inviter à cesser l’insulte et le mépris. »

Le ton de cette lettre est celui de la légitimité, de l’indignation, de l’exigence, mais aussi celui d’une certaine politesse politicienne qui n’a rien à envier à Machiavel.

 

Je n’entrerai pas dans un débat de fond sur les programmes politiques, mais mon propos est de signaler un fait révélateur.

On sait le mouvement des indignés proche d’une certaine gauche, et leurs valeurs en rapport étroit avec une demande humaniste.  Le FN est aux antipodes de ce mouvement et pourtant il en utilise ici le moteur, à savoir l’indignation. De prime abord, on nage en plein paradoxe, et pourtant pas tant que cela…

 

Le politique (le fait politique) récupère aujourd’hui tant le langage que les revendications, d’où qu’elles proviennent. Tout est amalgamé, et dans l’indécidable, tout se vaut, sans distinction aucune, et tout se neutralise. Le politique consomme, phagocyte, se nourrit de tout en le recyclant dans l’instant : l’essentiel est de produire de l’instantané, d’être réactif et même de revendiquer le contraire de ce qui parait être engagé, défendu. Dire et se contredire ne pose en soi plus de problème puisque tout est recyclable, détournable et immédiatement réinjectable dans la communication.

 

 Le résultat en est qu’il devient difficile de cerner vraiment les programmes de chaque parti politique : on y retrouve tellement de dénominateurs communs, qu’il faut bien y regarder pour en comprendre l’intentionnalité réelle. Le FN ne s’y est pas trompé qui a su jouer la carte de la modération pour se "dé-diaboliser ». Si Le Pen père incarnait un des derniers bastions d’une politique extrémiste radicale et assumée, la fille joue en soft le même air sans pour autant qu’il y paraisse.

 

« Le Pen, il faudrait l’inventer, disait Jean Baudrillard. C’est lui qui nous délivre de toute une part maléfique de nous-mêmes, de la quintessence de ce qu’il y a en nous de pire ». A ce titre, ajoutait-il, il « faut lui jeter l’anathème », mais le pire qui puisse être, c’est de le combattre de face ; la gauche restant«  bloquée dans la dénonciation », et « le Pen gardant le monopole de l’énonciation »

 

De Marine le Pen, par le biais de l’indignation, dont la gauche a perdu le monopole, on peut dire qu’elle est entrée en politique ; dans la politique de l’immédiateté, et qu’elle risque d’y faire carrière.

Le tout reste de savoir si cela la neutralisera, comme elle la neutralise virtuellement par cette lettre, ou si, bien au contraire, elle trouvera matière à en sortir encore plus dangereuse…

 

Marc Bozec.

 



29/04/2012
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