les stratégies de l'opposition (23/05/23)

 

C’est ce qui fait opposition, opposition au réel, qui devient le mode de la pensée contemporaine. Complotisme, déni, réfutation, déconstruction, négationnisme, sont à l’œuvre pour faire face au vertige existentiel que génère la confrontation au réel. La stratégie la plus simple est alors la déréalisation forcenée.

 

Cela paraît fonctionner, mais ce n’est vraiment qu’apparence : le conflit est bien là, quand bien même il est presque occulté par une forme de pensée de la peur non assumée qui use et abuse de subterfuges cognitifs déviants.

 

Nous sommes à l’image du philosophe pascalien sur une large planche au dessus du vide. Ce dernier en proie à la peur, n’est plus à même de philosopher.

 

Tant que les mots, comme les actes ne sauront dire cette peur et sa nécessaire prise en charge par delà l’émotionnel, aucun discours n’aura de prise sur notre rapport au réel. Nier le vide, le vide existentiel comme celui qu’est l’absence de projet sociétal risque de nous conduire au pire, comme après la seconde guerre mondiale, le pacifisme en Europe en arriva à justifier les pires dérives pour payer le prix de l’illusion de la paix( goulags, tortures, déplacements de populations, rééducation forcée, massacres post coloniaux, mise en place de dictatures, instauration de la dissuasion nucléaire…), et ce pour mieux fermer les yeux sur le vertige des rapports de force et penser, somme toute, une certaine forme de guerre comme nécessaire à la paix. En ce qui nous concerne, pour le profit, dans le cadre de logiques ultra libérales, capitalistes en diable, nous sommes prêts à toutes les concessions pour faire reculer cette angoisse du vide. Et pour cela, faire le choix de la déréalisation pour avoir la conscience tranquille.

 

La réversibilité est cependant toujours à l’œuvre : on en arrive à provoquer le contraire de l’attendu comme en agriculture intensive la surproduction est en passe de générer le manque, la carence et même en certains cas la famine, alors même que son argumentaire allait dans le sens de la responsabilité alimentaire.

 

Ce n’est pas en signant moultes pétitions et en brandissant des pancartes qu’on éradiquera le Mal.

 

« Tout ce qui expurge sa part maudite signe sa propre mort. Tel est le théorème de la part maudite » (Jean Baudrillard in « la transparence du mal »). Bien et mal sont indissociablement liés. La neutralisation dont procède « l’opposition » au réel n’est pas prête d’aboutir à moins que de saisir que nous serons toujours dans un entre-deux : l’indécidabilité qui sévit aujourd’hui est sans doute la résultante de l’incapacité à assumer le bien comme le mal entendus comme indissociables.

 

Il serait grand temps que la pensée retrouve la valeur du jeu, de la séduction,et s’extraie de « l’extase du même », de la désymbolisation, comme de la positivation exacerbée qui la font tourner en boucle et se perdre dans le miroir de sa propre expression dressé comme séduction fatale.

 

Pour citer encore une fois Jean Baudrillard dont la pensée demeure toujours d’actualité : « La séduction joue moins sur le désir qu’elle n’est un jeu avec le désir. Elle ne le nie pas, elle n’est pas non plus son contraire, mais elle le met en jeu »( …). Ce n’est pas « la maîtrise du pouvoir par le biais du stratagème ».

 

Avec tout cela, nous voilà bien avancés. Mais ça on le savait déjà….

 

Marc Bozec.



23/05/2023
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