la violence à l'école (06/01/18)

 

Une réflexion est en cours, forte de nombreux essais de protocoles, pour venir à bout de la violence en milieu scolaire. Face à des comportements déviants qui ne sont autres, pense-t-on, que l’expression  d’une réactivité pulsionnelle, on tente de mettre en place des médiations pour que le langage reprenne son droit de citer dans les conflits et qu’il soit vecteur d’écoute et de respect mutuel. « Ma parole vaut celle de l’autre et réciproquement » : tel est le message que l’on cherche à faire passer.

Cela fonctionne plus ou moins bien, et les médiateurs (eux-mêmes élèves) ont fort à faire tant dans leurs interventions, qu’avec leur statut qui est loin d’être facile à assumer. Ils sont en quelque sorte pris entre le marteau et l’enclume, et leurs interventions sont des plus délicates : ils s’exposent en effet aux plus vives critiques de leurs coreligionnaires impulsifs. De plus, cela réclame un certain caractère et une intégration, fut-elle inconsciente, du registre symbolique dans le rapport à l’autre.

Là où le bas blesse, c’est que l’Autre n’a plus guère de place chez les nouveaux sujets : c’est un empêcheur de jouir en rond et cela lui est insupportable. De l’autre (avec un petit « a »), on ne tolère que la possible instrumentalisation et, quoi qu’il en soit, on ne le tolère que dans une mise à distance que valide paradoxalement une inter connectivité permanente. Cette dernière n’étant somme toute que le blanc seing autorisant l’identique (et non l’identité) et la répétition du même (contre la singularité qui expose à  être identifié et qui implique la revendication d’être soi).

Somme toute, on cherche à faire entendre à celui qui veut rester sourd pour pouvoir rester dans la mouvance d’un immédiateté jouissive faite d’excitation et d’émotion.

Il ne serait sans doute pas inutile de renouer avec le symbolique et ce, dès l’école maternelle. Pas facile certes dans le cadre de notre société « incestuelle » que de redonner au langage sa fonction castratrice jadis dévolue au père. De même qu’il ferait bon se questionner sur la place dévolue à l’enfant négociateur dans le cadre institutionnel de l’école, et sans doute serait-il profitable de réfléchir en d’autres termes que ceux posés par des adultes en perte d’autorité, qui ne font plus autorité justement, mais qui cèdent au simulacre de la citoyenneté précoce.

Le malaise est sans doute là, dans cette précocité que l’enfant n’est pas en mesure de prendre en charge raisonnablement. Il n’est pas en mesure d’avoir de la distance et de raisonner sur certains de ses actes : il est lui aussi tiraillé entre éros et thanatos, et est lui aussi dans la mouvance de l’immédiateté jouissive. C’est ce qu’il voit à l’œuvre et c’est ce à quoi il a prétention, puisqu’on le laisse en prise et qu’on l’incite même à la négociation pour l’obtention de la jouissance. C’est le crocodile dans la gueule duquel personne n’ose mettre de bâton…

Il me semble que c’est là qu’est la violence : dans la confusion et l’amalgame. On ne laisse plus aux enfants ce possible temps de latence nécessaire à l’édification de l’adulte, ce temps apaisé durant lequel la construction de soi passe par la réalisation comme par la frustration et ou le langage prend le pas sur le pulsionnel. Et la violence perçue dans les comportements est peut-être le seul moyen qu’ils ont de dire que somme toute, ils n’ont pas leur place, qu’ils ne s’y retrouvent pas et n’ont alors de solution que de demander sans cesse à l’adulte qui est-il. Les adultes face à cela sont bien souvent désarmés, faute de prendre la mesure de leur rôle et bien souvent par crainte de désamour.

Les parents ont peur de ne plus être aimés, ce qui est assez paradoxal, de les voir investir et faire leurs les craintes qui étaient celles des enfants. Quant aux enseignants, ils sont en prise avec une recherche de reconnaissance et de légitimité, et deviennent producteurs compulsifs (pour beaucoup) de support pédagogiques et de discours désarmants, sorte de « simulactes » en guise d’appel au secours. Rien de très rassurant pour les enfants !

Nous vivons une société de violence, à tous les niveaux, et le discours ambiant voudrait que ne soit cautionné que le positif, qu’il n’y ait plus trace du négatif. Mais c’est justement en regardant vraiment le négatif, en le prenant en compte comme tel, qu’on pourra peut-être mettre les choses à leur place et leur donner une juste valeur. La violence à l’école n’est que la traduction de cette violence sociétale qui ne veut pas dire son nom.

 

Marc Bozec.



07/01/2018
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