indécidabilité :sens interdit ou interdit de sens12/12/19)

J’ai beau scruter l’horizon  de l’information, je ne distingue rien. Rien qui ne fasse sens, rien qui ne s’inscrive dans la durée. Mais a-t-on encore besoin de sens ?

 

Tout est immédiateté, une immédiateté jouissive prise à son propre piège, empêtrée dans des fragments de signification déjà désamorcés, auto désamorcés. Somme toute une suite de signes émis sur le mode de l’accélération, une bande annonce qui passe en boucle  qui n’a rien à dire et qui ne souhaite surtout ne rien dire.

 

Sans doute le sens, en ce qu’il procède d’une histoire, d’une antériorité, d’une interprétation et donc ainsi de l’Autre, n’est-il pas le bienvenu à l’apogée d’une forme d’exode de la pensée auto-référencée et reproduite en même temps à l’identique. De plus, plus que jamais, nous sommes placés sous la férule de l’indécidabilité. Les choses se produisent hors de tout rapport de cause à effet : elles surgissent pour disparaître dans la fulgurance de l’instant d’après, et, en fin de compte, rien ne se décide, ou plutôt tout semble décidé à l’avance, comme si quelque entité souveraine était à l’action. Et cette entité, il semble bien que ce soit l’indécidabilité elle-même, qu’elle soit devenue une sorte de paradigme contemporain. Ce qui semble se décider reste sans effet dans le temps. Ce n’est somme toute qu’un fragment autonome qui a pour vocation de se perdre dans la multitude des fragments.

 Ces fragments ont pour vocation de fonctionner en miroir, ainsi en va-t-il de l’indécidabilité. Difficile cependant de savoir de quel côté du miroir on se trouve : du côté de celui des vainqueurs ou de celui des« animaux des miroirs » de la fable de Borges(«Une nuit, les gens du miroir envahirent la terre. Leur force était grande, mais après de sanglantes batailles, les arts magiques de l'Empereur Jaune prévalurent. Celui-ci repoussa les envahisseurs, les emprisonna dans les miroirs et leur imposa la tâche de répéter, comme en une espèce de rêve, tous les actes des hommes. Il les priva de leur force et de leur figure et les réduisit à de simples reflets serviles. .. »).

 

 Les velléités ambiantes appellent, pourrait-on croire, le second de leur suffrage. A condition, bien sûr d’être à la fois le maître et l’esclave, ce qui pose déjà un sérieux problème de localisation. On a l’air de, on fait comme si, on singe la réalité, et surtout on la dédouble dans le fol espoir qu’on ne la distinguera pas de son duplicata, dans l’espoir qu’on reste inlocalisable, inidentifiable. On est alors encore dans l’indécidable.

 

Le problème reste de savoir s’il reste une réalité et s’il ne s’agit pas plutôt d’une mise en abîme.

 

Alors, si c’était le cas, il n’y aurait effectivement plus besoin de sens ni même de durée.



 Marc Bozec.



12/12/2019
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