fragments et politique

L’impression que donne la politique, c’est qu’elle s’est enfermée dans sa propre sphère, et que du politique, il ne reste plus que les signes. A force de signes, c’en est le sens qui fait défaut au point que la chose et son contraire peuvent être légitimés par le même homme, confondus au point d’un incompréhensible achevé.

Ce qui semble prévaloir, c’est le communiquer, et le communiqué, dans la brièveté de l’instant. Il faut donner à entendre, et de préférence sur le registre de l’émotion ; Nicolas Sarkozy excelle à ce petit jeu, « biffant ses propres graffiti du vendredi le samedi et ceux du samedi le dimanche » (G Brassens : « lèche-cocu).

C’est la petite phrase qui compte, le slogan ; et l’on sait que « la force tranquille » miterrandienne fut pour beaucoup l’élément déclencheur de sa réélection. Ce dernier me dira-t-on ne fut pas à l’abri de la contradiction et peut s’en faut : passer au cours de sa vie d’une idéologie d’extrême-droite au socialisme, il faut le faire… Du moins, une fois devenu socialiste, le fut-il pleinement dans son discours !

Force est de constater, en parallèle de cette mise sous sphère forclose, un désengagement de la population pour le fait politique. Entre l’absentéisme et le vote sanction, la démocratie a de quoi frémir…

Voilà donc le politique, la politique devenus affaires de consommation et de velléités versatiles, et les électeurs des clients à ménager dans l’instant, en évitant subtilement d’aller à contresens du poil. Il faut attirer leur attention, mais éviter à tout prix la surcharge réflexive.

L’affaire, me direz-vous ne date pas d’hier et j’en conviens. Mais la donne a un tant soi peu changé. Si l’on pouvait constater après la deuxième guerre mondiale une réelle politisation de la population qui fit les beaux jours du PCF et du gaullisme, ce n’est vraiment plus le cas de nos jours.

Chez ceux qui se sentent vraiment concernés règne le plus grand embarras : comment voter, et pour qui voter ? Il est vrai qu’il devient difficile de distinguer les programmes des uns et des autres.

C’est à qui pourra se prévaloir de nos grands penseurs politiques défunts : Jaurès est sur ce registre-là particulièrement convoité par la gauche comme par la droite.

Voilà qu’à ne plus avoir de fondement clairement défini le politique, le fait du politique se fragmente. Sont produits des éclats destinés à une lecture immédiate et éphémère. Ils ne font plus sens par rapport à un tout idéologique structuré et identifiable, mais s’inscrivent en réponses hâtives et volatiles. Chacun de ces fragments recycle le politique jusqu’à la contradiction ; mais qu’importe, il  s’agit d’émettre, de communiquer, et  de ne pas avoir à se justifier autrement que par la caution réduite du fragment comme vérité instantanée et comme leurre.

Plus d’unité identifiable, d’intentionnalité dogmatique, mais une gestion de l’immédiateté du fragment. Et il semble que se soit l’inidentifiable qui soit le mobile.

Ainsi en va-t-il du Front National que l’on pourrait finir par croire plus à gauche que la gauche. Si il y a une crise économique, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg : la crise est devenue le paradigme et le fragment sa déclinaison.

Marc Bozec.

 



18/03/2012
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