Face book : haute trahison? (03:06:12)

Dans un article paru dans le Monde du 01/06/12, Daniel Kaplan accuse Face Book de participer au » surarmement du marketing personnalisé ». Il lui reproche de ‘être écarté d’une fonction qui consiste à « agréger la panoplie de nos outils de communication(…) dans une continuité auparavant impensable(…) de catégories naguère disjointes » qui sont « autant de pôles d’un territoire continu. »

Somme toute voilà Face Book qui perd sa vertueuse virginité. Le réseau « d’amis » devient le champ d’une exploitation commerciale(les actions de Face Book ont été mises sur le marché le 18 mai de cette année) et voilà que l’on crie à la trahison !

Qu’on veuille bien me le concéder, Face Book n’a jamais été une institution altruiste. La conservation des données dont l‘émetteur est privé de la propriété, de la libre disposition, en dit assez long à ce sujet.

Face Book est en plutôt un espace de collection, de collecte, comme un de ces murs sur lesquels d’aucuns peuvent accrocher leurs diplômes ainsi que leurs trophées de pêche, voire les photos avantageuses de quelques exploits sportifs…

La question qui devrait se poser est la suivante : Quel besoin a-t-on de la mise en ligne du quotidien ?

Il semble que la mise en scène de soi dans un cadre sociétal ne suffise plus, et qu’il faille la doubler d’une autre « valorisation ». Cette  valorisation n’est-elle pas déjà en soi une façon de se mettre sur le marché où la surenchère technologique, des objets et vecteurs technologiques est le paradigme ?

La surreprésentation de soi posant alors la projection de soi dans un espace vécu comme sécurisé par la fiabilité des objets technologiques. Le sentiment est qu’il n’y a rien à craindre puisque tout le monde le fait et qu’il faut bien vivre avec son temps…

Ces multiples objets technologiques (avec bien sûr en tête le téléphone portable) nous prolongent comme ils nous réduisent à l’expression technicisée d’un monde des plus étroits dont les frontières sont posées par ces mêmes objets (beau « territoire continu en » la matière !).

Face Book n’a, me semble-t-il, trahi personne. Les « geeks » qui en sont à l’origine, n’ont-ils jamais cherché autre chose qu’une virtualisation de leur rapport au monde ?

Ils sont sans doute de ceux dont parle Evgeny Morozov : « La connexion met les personnes fragiles à l’abri de la diversité et de l’incertitude du monde réel ».

Et puis Face Book, pour autant qu’il me semble, n’est qu’une sorte de moyen d’agréger les opinions, de les normaliser, de les formater, mais surtout pas de produire de la dualité et encore moins de se singulariser…

Il y a toujours eu « surarmement du marketing personnalisé », mais sur le registre d’un narcissisme exacerbé et quasi pathologique. Le marché est celui de la valeur qu’un sujet auto- référencé a prétention à se donner en créant autour de lui une nébuleuse amicalement neutre et sans risque.

L’excès d’amis pourrait être un jour en proie à la plus fatale des virtualités, celle de n’en plus avoir vraiment…

 

Marc Bozec



03/06/2012
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