Et les pulsions?(10/08/12)
La perception d’un corps-machine optimal tel qu’évoqué dans le précédent article le suppose comme fonctionnant sur le registre du service. Il s’agit de la maîtriser et d’en faire un support régulé, indéfectible qui ne fasse plus obstacle à la réalisation de soi.
Il s’agit bien alors d’une consommation du corps à des fins elles aussi consuméristes. Ce serait un corps façon « tuning » modelé pour être neutralisé dans ses dysfonctionnements quotidiens, mais aussi le support de la performance.
La nano- médecine ferait aussi du cerveau le siège de nano-robots dont la fonction serait d’en « booster » les capacités. Les suggestions possibles seraient telles que la virtualité finirait par pouvoir prendre le pas sur la réalité (visiter une ville, faire l’amour, tout serait possible au voyageur et voyeur immobile).
Le problème qui se pose est alors celui du contrôle des pulsions.
L’excès de virtualité creuse la distance avec la réalité.
Le virtuel est le champ des possibles débridés du pulsionnel. Il est aussi celui du sujet fragmenté qui n’aura alors d’autre issue que les fragments pour assurer (à défaut d’assumer) les successions de virtualités qu’il arpentera. Ce sera alors un sujet fragmenté tout puissant à l’intérieur d’un « lui-même » érigé en forteresse, un sujet plus que jamais autoréférencé.
Qu’en sera-t-il de son rapport au réel ?
Vraisemblablement un rapport conflictuel, voire violent, puisqu’il lui faudra se confronter à l’Autre que la virtualité évince en lui.
A moins que version « meilleur des mondes », soient aussi des nano-robots susceptibles de gérer le passage du virtuel au réel en régulant, dans le cerveau, les impulsions conflictuelles et violents. Quid alors du « quant à soi », du « libre arbitre » ?
Au-delà de cette petite complication que les plus optimistes des transhumanistes n’évoquent pas, pourrait bien voir le jour la tentation de se passer totalement d’un corps qui, décidément, n’aura jamais cessé d’entrer en résistance (ce dans la perspective de la dualité corps-esprit déjà évoquée).
Marc Bozec.