eduquons et du c.. (30/10/22)

Il y a quelques décennies de cela, Laurent Fabius, augure involontaire de nos paradigmes sociétaux, voulait que l’informatique soit « le second langage des jeunes français ». Et bien sur le registre binaire on peut dire que sa parole a été suivie au point que les dits jeunes en sont à se forclore dans leur « smart home » (pour reprendre l’expression de Byung-Chul Han), sur un mode de déréalisation presque aboutie. Absorbés qu’ils sont par leur écran, ils disparaissent tant à eux même qu’aux autres, qu’à l’Autre. Et l’hyper numérisation de l’école ne fait qu’enfoncer un peu plus le clou en engendrant une « culture de la passivité » (Camille Desjardin) sous couvert  de l’autonomie de ceux que l’on appelait autrefois des élèves, avant qu’ils ne soient affublés du docte « d’apprenants », d’« acteurs de leur propre pédagogie » pour reprendre la novlangue du ministère de l’Education Nationale.

 

Là où le numérique devait permettre d’égaliser les chances( ?), ce qui s’est produit, c’est un formatage comportemental et langagier allant vers l’appauvrissement de l’un comme de l’autre.

 

En son temps, Jean Baudrillard parlait « d’écran total ». Ce qui fait écran dissimule et permet l’évitement autant qu’il absorbe et escamote. Or, nous sommes dans une société de l’évitement qui pratique le déni comme catalyseur de cet évitement, de la déréalisation, voire de la désacralisation, celle du savoir, de la culture qui permettent l’édification de soi dans le dépassement de soi. Ce qui se met en place, c’est vraiment la disparition ou plutôt l’escamotage du sujet, mais aussi de l’objet. Nous devenons une société sans objet, dans laquelle rien ne doit plus faire obstacle à la virtualisation totale.

 

Fi de la singularité, improbable sur un tel terreau. « La singularité n’étant par définition jamais reproductible »(Baudrillard) : or, c’est de l’identique que l’on cherche à reproduire, jusqu’à la saturation, jusqu’à l’entropie fatale.

 

Le projet sociétal, s’il en est un, ce dont je doute, s’apparente de plus en plus à une dystopie dans laquelle nous n’aurons d’autre choix que l’absorption totale dans l’écran. C’est ce qui fascine nos adolescents qui  s’extraient du monde sur le mode de l’autruche, la tête plantée dans leur smart phone, celui là même qui leur parle et les hypnotise.

 

On peut dire que l’Education Nationale a réussi son coup…. Eduquons, eh du c… Comme si le numérique avait le pouvoir de rendre les citoyens libres et égaux ! Rappelons que « libres et égos » serait un peu plus pertinent…

 

J’ai découvert, il y a peu, le terme fort explicite de thanatocapitalisme( dans les écrits de Byung-Chul Han). Serait-ce là ce qui est à l’œuvre dans la gestion à flux tendu de la mise en écran du réel ?

 

Marc Bozec.



30/10/2022
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