ECCE HOMO? ( 01/11/15)

Après celle de l’homo festivus voici l’ère de l’homo économicus. Et comme dans toute transition, ces ères se superposent ; mais la distinction qui s’opère est de plus en plus lisible.

Nous avons déjà longuement évoqué le nouveau sujet, l’aspect incestuel de nos sociétés occidentales contemporaines, ainsi que la fragmentation. Ce n’était là que les premiers constats de ce qui se profilait, à savoir l’instrumentalisation et la consommation réactive de l’homme par l’homme, du sujet par lui-même, et ce, à « flux tendu », comme le fait très justement remarquer Pierrick Hamelin.

Si on applique aujourd’hui le vocabulaire économique à l’humain, ce n’est pas un hasard : il y a une sorte d’osmose, de perméabilité, de contamination qui fait considérer l’humain comme un objet économique. Aujourd’hui, Narcisse se contemplant n’aurait de cesse de pouvoir envisager la possibilité de se consommer sur un mode de rentabilité, d’expression de la réalisation de son capital, d’investissement accru de sa présence, de performance.

L’homme est devenu malgré lui un performateur de lui-même et ce sous les injonctions sociétales dont le moins qu’on puisse dire, et ce malgré la crise, c’est qu’elles fonctionnent sur le mode du profit aléatoire et immédiat.

La contamination, qui procède ici, encore une fois, de l’excès, est telle qu’elle semble être fatale. Dans le domaine de l’économie il est question d’offre, de demande, de valeurs virtuelles, d’intentionnalités d’achat ; somme toute d’un jeu dont le pari est de déterminer et d’expédier des potentialités d’un stock qui n’existe pas toujours au moment de sa mise sur le marché. Pour ce qui est de l’humain, on en orchestre, on en fait l’économie, ce dans le sens où on ne le considère plus que comme une unité à gérer dans une masse, que comme un produit de consommation qu’il  faut neutraliser en lui injectant le virus de cette même consommation comme mode d’expression de soi.

Aussi, l’homme se met-il aussi à se produire lui-même à flux tendu : flux d’émotions, d’excitations, de pulsions. Il devient lui aussi instable et en proie à la crise : il est tout en intentionnalité, en simulacre, en simulactes, en performance, en prospective, en rendement, feignant de croire à son propre développement de manière pathétique, pathologique. Il attend un hypothétique retour sur investissement qui ne viendra pas si ce n’est que sous la forme d’une quasi addiction au surinvestissement de soi qui devient le paradigme de son être au monde. C’est cependant un être au monde égo centré et en proie au risque de l’entropie, de l’effondrement. Son temps est un présent tyrannique, une répétition sérielle de l’immédiateté. Tout cela génère  une instabilité qui ne favorise pas le rapport à l’autre : cet autre, nous l’avons déjà relevé, sera alors neutralisé par l’instrumentalisation, la consommation.

Le terme de « ressources humaines » aurait déjà dû nous mettre la puce à l’oreille, en ces temps on l’on voulait libérer tout de n’importe quoi et sans doute libérer, débarrasser l’homme de sa dimension symbolique, ce pour l’avènement d’un «  jouir à tout vat ». Cela, bien sûr, avec les meilleures intentions qui soient… Cependant cette revendication à la jouissance était déjà performative et inscrite sur le registre de la consommation.

Il va devenir des plus difficiles de trouver un mode de lecture, de résistance au phénomène, à moins de donner à croire qu’on le cautionne en usant de sa propre terminologie, en opposant somme toute le simulacre au simulacre et l’excès, dans une certaine mesure, à l’excès…

Il y a encore des leçons à prendre de la pensée de Jean Baudrillard…

Marc Bozec.

 



01/11/2015
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