dépaysement (en réponse à Pierrick) (21/09/22)
Merci à Pierrick pour ses commentaires éclairés et toujours aussi pertinents. Je me permets de reprendre ici son propos pour simplifier les consultations des textes :
Nous vivons mal la disparition annoncée de tant d’espèces et espaces naturels. Mais que dire, que penser, que faire de cette autre disparition : celle de l’idée même de nature ?
La nature hante nos discours anxieux ou indignés – mais comme l’ombre de ce qu’elle fut.
On pouvait croire que, chassée de la métaphysique et objectivée par la science, elle trouverait refuge dans la pensée écologique et la philosophie environnementale. Il n’en est rien. Tantôt rejetée comme une illusion, voire une mystification, tantôt dénoncée comme une fable aux relents misogynes, invalidée ou décriée, « la nature » semble aujourd’hui proscrite, y compris par ses défenseurs.
Ce numéro spécial de Critique, conçu par Françoise Balibar, Pedro Cordoba, Élie During et Thierry Hoquet, croise philosophie, sciences, arts et littérature pour tenter d’éclairer l’un des plus violents paradoxes du monde contemporain : l’omniprésence d’une absence, l’invocation permanente à une Nature devenue spectrale. (voir le site de la revue)
Cette « omniprésence d’une absence » fait écho à celle qui hante l’individu : être absent à soi comme à l’autre comme garantie de non-implication, voire de disparition. Il y aurait alors une forme de contamination réciproque entre nature et individu (qui rappelons-le n’est plus du tout « in dividuum »). Nature spectrale, le terme est des plus pertinents, mais aussi nature spectacle au service de l’illusion du rapport que l’individu entretient avec elle. Sans doute la fameuse réversibilité baudrillardienne, auteur dont la pensée serait fort utile pour appréhender le monde.
Marc Bozec
Ps : merci aussi à Pierrick pour son historique sur le paysage, en commentaire du même article