Déni (11/10/22)

En commentaire à l’article de Serge Tisseron paru dans Libération le 30/09/22

 

« Je vous rejoins pour partie sur votre analyse, en particulier lorsque vous évoquez le déni de nos propres limites qui effectivement induit du déni  environnemental, au sens large du terme, à savoir ce qui nous environne. Il y a certes une forme d’auto-désensibilisation de soi, mais il me semble qu’elle se dédouble d’une forme de fragmentation propice à l’auto-référenciation qui, paradoxalement procède du déni.

 

Etre sa propre référence suggérerait de prime abord une pleine acceptation de soi et de ce qui fait être soi, à savoir que nous sommes le fait de l’Autre, que nous ne sommes que « des pièces rapportées ». Somme toute, et je ne vous apprends rien, nous sommes des êtres de conflits, ceux-là mêmes qui font naître des identités stables.

 

Et c’est là, je pense, que se trouve les racines du déni, dans le rapport de soi à soi en tant qu’objet de consommation et de jouissance immédiate, dans un rapport d’aliénation qu’il n’est pas possible d’affronter : le sujet devient « entrepreneur de lui-même » et se sent en permanence sur le registre de la performance et en concurrence avec autrui. D’où sans doute la  profusion de « like » sur les réseaux sociaux, qui permettent au demeurant de bien localiser l’autre sans avoir à s’y frotter.

 

Il y a un déni de l’autre, perçu comme obstacle, ou comme objet de la jouissance. Et l’individu construit sa propre « mythologie » fluctuante (comme les valeurs fluctuent en bourse) en étant tout autant dans le déni de soi et dans celui de l’autre. Ce dernier ne pouvant être témoin que de l’accomplissement pulsionnel du moment, qu’être dans la cooptation, et surtout ne pas être un obstacle. Au point que l’on peut se demander si se socialiser ne devient pas un acte traumatique (on sent d’ailleurs des remugles de cette affirmation dans les nouvelles pratiques éducatives).

 

Le symbolique vole en éclat au profit d’une virtualité virale qui est celle de la violence du monde, et le relationnel devient immunologique tant il devient impératif de s’immuniser face au risque de l’autre.

 

Le déni est aussi une arme de déréalisation : la réalité et le réel n’ayant alors plus droit de citer dans un monde de « moi,je ».Je me demande si le déni n’est pas en passe de devenir un paradigme sociétal…"Somme toute, je ne perçois pas le déni sur le registre victimal, mais plutôt sur celui de l’abréaction.

 

Marc Bozec.

 



11/10/2022
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