Déconnaissance (25/06/13)

Dans la société de l’immédiateté qui est la notre, tout ce qui est de l’ordre du réflexif disparaît au profit d’une « externalisation » et d’un désengagement.

 

Réfléchir, étymologiquement suppose le possible retour sur la réalité comme sur soi-même. Cela induit l’acceptation de l’identification (sa revendication même), et l’acceptation d’une connaissance susceptible d’être remise en cause. C’est aussi accepter le risque de la réversibilité et le principe du jeu de la pensée, mais avant tout la revendication première d’un « quant à soi ».

 

 C’est aussi de la reconnaissance dont il faudra parler.

Et s’il y a crise, elle procède pour partie de l’absence d’une reconnaissance possible. Cette dernière se fait « dé-connaissance » et les modes compensatoires inhérents relèvent de la fragmentation.

 

Les apprentissages, ferments de la reconnaissance, se déclinent sous la forme de compétences accumulées s’apparentant à la fragmentation. Il n’est plus question de transmissions des savoirs, « d’élévation » de l’individu. Ne restent que des sujets à, des sujets de, pour lesquels tout se négocie et qui faute de s’impliquer véritablement face à une reconnaissance possible, préfèrent s’ériger juges et parties, autoréférencés en diable… Ainsi ils se préservent du retour de manivelle, et quand bien même retour il y aurait, le statut de victime les garantirait de toute responsabilité. Quant aux validations de ces compétences, elles ne font rien moins que de fragmenter un peu plus le sujet et en ventilent l’unité possible à tout vat : elles l’accumulent et le dispersent un peu plus.

 

La notion de crise pose comme réalisable un retour à la normale, en ce qu’elle est dysfonctionnement ponctuel d’un ordre régulé.

Présente, elle est pour autant inidentifiable : elle est partout et nulle part, fragmentée elle aussi à l’excès, au point que le terme de fragmentation semble peu à peu se substituer à celui de crise.

 

Les fragments s’accumulent et jouissent d’un potentiel délétère de dispersion : identification et réflexion deviennent alors impossibles et c’est la confusion qui prend le pas sur un mode réactionnel additif et même parfois addictif.

Ainsi « toute addition est soustraction ; plus on ajoute et plus on retire » (Kierkegaard).

Reste à savoir si nous pourrons encore compter à l’avenir sur une certaine et nécessaire opacité du monde…

 

Marc Bozec.



25/06/2013
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