Crise et crise

Cet essai interroge la notion d'individu, de sujet, et propose des pistes de réflexions sur les comportements de nos contemporains : à y regarder de près, les signes sont nombreux qui annoncent une fragmentation, là où avait été posée l'idée de la réalisation de soi. Au quotidien, dans l'univers familial, scolaire ou de l'entreprise, les exemples ne manquent pas qui traduisent un réel bouleversement de la notion d'individu. C'est un certain désarroi qui s'empare de l'homme moderne. Ce dernier n'est pourtant pas étranger à cela même qui le déprécie...

Extrait numéro un :

                                                                                                                                                             Seuls quelques     fragments de nous

                                                                    toucheront un jour les fragments d’autrui - la

                                                                    vérité de quelqu’un n’est en réalité que ça- ,

                                                                    la vérité de quelqu’UN. On peut seulement

                                                                    partager le fragment acceptable pour le    

                                                                    savoir de l’autre, ainsi on est presque

                                                                    toujours seuls.

                                                                         Maylin Monroe.                                                   

 

 

 

                                                1. Crise et crise….                                                               

 

 

 

C’est la crise, et il nous faut raisonner en termes de crise, de restrictions, d’effort, de remise en question, de relance économique, de bien consommer et que sais-je d’autre encore.

Bref, ce qui fait l’objet de nos préoccupations, c’est de trouver la parade à cette crise.

Et cette crise est, c’est que l’on nous cesse de nous rabâcher, d’ordre économique : voilà que le « divin marché », pour reprendre le titre d’un ouvrage de Dany-Robert Dufour, est en train de frissonner et que l’on en craint l’éternuement à venir. Certes, il y a de quoi, puisque c’est en son nom que nous sommes sommés d’être.

Sous le couvert de cette crise financière, est une tout autre crise qu’on semble bien vouloir faire passer à la trappe. C’est la crise de l’individu, ou plutôt celle d’un nouveau sujet qui se débat dans les injonctions à la consommation, et dans le manque total de repères nécessaires à son édification.

Nous ne manquons pas autour de nous d’adolescents dont le comportement nous laisse parfois bien désemparés. Nos critères d’appréciation paraissent ne plus pouvoir suffire à comprendre. On me dira que c’est là le lot de tous, et particulièrement des parents, qui, on n’a cessé de nous le répéter, ne sont plus « dans le coup » quand il s’agit d’appréhender la réalité de leur progéniture.

Si c’est là que se situait la crise, rien que de très normal, somme toute. A cela près que l’on se trouve aujourd’hui confronté à des dérèglements qui n’affectent pas que nos chères têtes blondes ; les adultes s’y sont mis eux aussi…

Ce qui est particulièrement étonnant, c’est la césure entre les deux phénomènes, du moins celle qui d’emblée est pratiquée. On raisonne comme si l’économie était une entité douée d’autonomie, et qu’il n’y aurait aucune inférence entre les comportements et les choix économiques de nos sociétés. (Étonnante crise du politique que révèle à sa manière l’affaire DSK : elle est curieusement aussi celle d’un individu en proie à l’addiction du sexe et du pouvoir, et celle aussi d’un homme engagé auprès d’une de nos instances économiques, à savoir le FMI…)

Donc d’un côté le marché et les consommateurs, et de l’autre l’individu, le sujet (nous verrons qu’il conviendra de les discerner l’un de l’autre) dont on nous dit qu’il est de plus en plus incivil, de plus en plus individualiste (ne confondrait-on pas d’ailleurs avec égoïste ?), et que ce qui le préoccupe c’est la réalisation de son désir de consommer.

Hormis que l’économie soit le fait de choix politiques, donc celui d’hommes et de femmes, on peut considérer ces crises sous un tout autre éclairage et qui les associe : celui de la fragmentation.

L’économie, qui nous parait parfois fonctionner comme un programme autonome, fatal, mais l’individu aussi, semblent contaminés par cette sorte de virus qui les décentre l’un et l’autre : pour faire simple, disons que tout vole en morceaux, mais que ces morceaux aspirent à être autonomes, multiples, hautement différenciés.

Ainsi l’argent lui-même s’auto génère-t-il dans des sphères de spéculations automatiques et se virtualise-t-il à tout va : de fragments d’ordres boursiers en fragments d’ordre boursiers ce sont des sommes monstrueuses qui s’érigent sans aucun rapport avec  l’épargne.

 

 

 

 

 

L’argent fabrique de l’argent qui lui-même fabrique de l’argent à l’image du célèbre poème enfantin « le pélican de Jonathan «  (le capitaine Jonathan capture un jour un pélican dans une île d’extrême orient. Le pélican de Jonathan, au matin pond un œuf tout blanc et il en sort un autre pélican lui ressemblant étonnamment qui a son tour en fait autant…). Il ne s’agit pas de clone, en ce qui nous concerne, ni de duplication (pourtant le résultat c’est bien de l’argent, sauf qu’il n’existe pas, sinon virtuellement !), mais bien de fragments autonomes, morceaux d’économie qui fabriquent d’autres morceaux d’économies qui eux-mêmes….

De même, le « nouveau sujet » fabrique-t-il des séquences ou fragments de lui-même qui à leur tour en fabriquent d’autres qui s’ignorent les uns les autres sur un mode un peu schizophrénique.

Les cas se multiplient de jeunes adultes qui segmentent totalement leur vie sur un mode comportemental pulsionnel, ce sans s’en rendre compte,  un peu à la manière du docteur Jeckyl, et qui en nourrissent des troubles délétères. (D’ailleurs, ils estiment n’avoir de compte à rendre à personne, et surtout pas à eux-mêmes !)

Il y a donc bien  crise et crise, mais à y regarder de près, elles s’interpénètrent, parfois se confondent au point que l’on pourrait se demander si en fin de compte il ne s’agit pas de la même chose déclinée sur deux registres que l’on cherche à opposer… 

(Pour toute information et acquisition : marcbozec61@gmail.com)

 

 

 

 



04/03/2012
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