terrorisme : une autre lecture(22/03/12)

On peut prétendre à être la chose et son contraire sans que cela procède du choix, mais plutôt de l'exclusion mutuelle, de la répulsion, de la confusion qui provoque une rupture identitaire.

Les réactions identitaires auxquelles cependant on assiste sont hyper réactives et se posent en marge d'une mercantilisation de l'être-soi.

 

Le regain de l'islam radical est assez révélateur : face à l'excès d'un choix d'identités possibles, le choix qui est fait tend vers la non identité singulière et se traduit par l'appartenance à un groupe religieux, en regard avec le divin (Rappelons l'étymologie du mot religion : religere, relier, faire lien ; ici de l'hyperlien face à la menace d'un choix exprimé sur le mode mercantile, cet hyperlien offre l'assurance d'être un élément relié, identifié, sujet avant d'être individualité, mais surtout pas singularité).

On peut analyser cela comme un mode de réaction, de protection par extraction. Les limites des possibles expressions de l'individu le garantissent alors de la rupture fragmentaire déjà évoquée.

 

 

 

Du côté des terroristes, la consommation de l’identité va jusqu’à son absorption complète dans le fait religieux. Etre martyr, c’est être promis à une reconnaissance désincarnée : c’est enfin disparaître à soi dans l’expression glorieuse d’une certaine forme de virtualité. Mon acte est sacré, la preuve, c’est que je me sacrifie pour lui : c’est la justification par l’absurde et le total déni de soi.

 

C’est une haine de soi qui veut que l’on se réalise (et se déréalise) par le sacrifice, dans une consommation ultime.

 

Cette haine de soi, forme d’une pathologie de la reconnaissance, nourrit la fragmentation de l’individu dont nous avons déjà parlé.

 

Ce qui étonne, par delà la colère face aux récents évènements de Toulouse, c’est que les mouvements terroristes salafistes se sont eux-mêmes fragmentés.  Il n’est plus de Ben Laden pour orchestrer le djihad, mais la logique terroriste est encore professée. Il existe encore des camps d’entraînement, des talibans et autres extrémistes. Mais dans le cas présent, on a affaire à un élément auto référencé.

 

 Les médias se relaient pour dire que le tueur était parfaitement intégré. Même s’il était un délinquant notoire, il évoluait dans un réseau avec toute la panoplie du jeune branché. Ce qu’il a orchestré, c’est le surgissement et l’accomplissement fatal d’un fragment de son identité.

L’expression même de la fragmentation veut qu’il n’y ait pas de référenciation possible à celle  d’une individualité reconnaissable.

Aussi, l’issue ne pouvait qu’être fatale : pas de retour possible à l’image d’une unité, mais la disparition dans l’éclat morbide du fragment.

Il s’est lui-même orchestré son jihad, a choisi lui-même ses victimes expiatoires, agissant en électron libre ; il s’est auto proclamé guerrier pour la guerre sainte, s’est lui-même sanctifié en quelque sorte. C’est d’autant plus révélateur que les mouvements islamistes terroristes fonctionnent sur un mode pyramidal, et que l’ordre est censé venir du sommet. Or il semble, malgré une revendication a posteriori, qu’il n’ait reçu d’ordres que de lui-même, intégrant toute hiérarchie pour la mettre à son service propre.

 

Le choix d’incarner ce fragment jusqu’au bout ne laissait aucune autre issue possible que la mort qu’il ne pouvait faire autrement que de se donner. L’hyper concentration de ce fragment ne pouvait que l’absorber entièrement et irrévocablement. Il s’était somme toute condamné à orchestrer de la manière la plus horrible qui soit sa propre disparition. Et il n’y avait pas de retour possible, il n’y avait plus d’identité autre que fragmentaire, désespérément hyper concentrée dans ce fragment.

 

Marc Bozec.

 

 

 



22/03/2012
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