Souriez, vous êtes cernés...( 19/07/13)

Big data is watching you…

On connaissait le ciblage marketing ; il suffisait de croiser quelques données de consommation par tranche d’âge ou par appartenance à une catégorie socioprofessionnelle, pour proposer des produits pour lesquels on créait un besoin. L’identification du consommateur en puissance passait par une lecture somme toute sommaire de ses pratiques et suffisait à en tracer le profil. Restait alors une marge suffisante d’individualisation, de retrait possible dans une mise à l’écart intentionnelle. On n’était à vrai dire pas encore rentré dans le vif du sujet…

Aujourd’hui, qu’en est-il ?

Chaque jour, 2,8 trillions d’octets de données sont générées dans le monde, et l’on prévoit un flux de 40 zetta octets (millier de milliards de giga octets) en 2020 !

« Individuellement, ces informations ne valent pas grand-chose(…) Mais additionnées, croisées et lues d’une certaine manière », elles permettent » presque de prédire l’avenir et d’agir en conséquence » (Gilbert Grenié, analyste au PWC). On peut ainsi atteindre des niveaux de précision, en termes de prévisibilité d’un évènement, de l’ordre de 95 à 99%...

Claire Lefebvre (in TGV magazine de juin 2013) parle d’ »hypertransparence » tant le décryptage de nos émissions (blog, boîte mail, tchats, réseaux sociaux) semble permettre une véritable révélation de nos humeurs, pratiques et intentions profondes.

Paradoxalement, cette hyper transparence ne révèle néanmoins qu’une dispersion fragmentaire par laquelle le sujet tente d’échapper à toute identification, à toute revendication identitaire assumée.

La dépersonnalisation qui se profile, sous couvert d’un hyper ciblage personnalisé, se double d’une certaine forme de démission d’ »humanité » au profit d’un transfert de responsabilité en direction de la machine.

Il s’agit de l’ordinateur que l’on investit d’un pouvoir d’ordonnateur, de donneur d’ordres.

Ce dernier produit des séries de fragments sur un mode binaire, implacable et fatal, et finir à terme par s’autogérer.

La sériation fragmentaire expulse toute forme d’unité, et la dispersion à l’excès flirte avec la pulsion mortifère de la disparition.

A défaut de pouvoir encore longtemps assumer Eros et Thanatos dans leur proximité contradictoire, il semblerait que l’on confie à la machine la charge de disperser un peu plus le trop peu d’humanité qui nous reste…

L’expression d’un « quant à soi » semble procéder aujourd’hui d’une « volonté de puissance », dont la possible expression se réduit de jour en jour.

Par ailleurs, pour ceux que les chiffres passionnent, on ne compte pas moins de 8 millions d’usurpations, de saisies d’identité par jour sur la toile…

Souriez, un peu moins, vous êtes cernés…

 

Marc Bozec.

 



19/07/2013
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