penser le fragment (01/11/12)

Face à l’incertitude réaffirmée du monde, à celle du nouveau sujet, peu-il y avoir une pensée de la certitude ?

Jusqu’alors la réponse a été positive. On a voulu et considéré la pensée distante de son objet et capable de produire un discours de la vérité, un discours qui édifie le monde.

Du moins, cette pensée s’est-elle auto-justifiée avec la certitude de pouvoir poser les choses en tant qu’objets, et de rendre possible une réflexion sur le monde, sur la réalité.

Ainsi la perception du monde générée par la pensée était-elle confirmée par le fait que le monde paraissait obéir aux hypothèses et aux lois qu’elle avait édictées.

Le monde devient ainsi lisible et maîtrisable, du moins dans la forme.

 

Somme toute, il s’agit d’une pensée qui prétend « faire la preuve d’elle-même, se vérifier dans une quelconque réalité » pour reprendre les mots de Jean Baudrillard. C’est une pensée aliénée à elle-même.

 

Or, il s’avère que cette pensée n’est plus opérante, comme si elle s’était auto-objectivée et par là neutralisée face au mouvement d’accélération du monde et faute de pouvoir en assumer  être à l’origine de cette réaction.

C’est une pensée de la perte qui dénie la perte elle-même en mettant sur la balance le poids du sens.

 

Il s’avère que penser le monde, c’est accepter de s’exposer à la réversibilité. Ainsi le monde lui aussi nous pense-t-il.

Et c’est alors que les choses nous échappent et que les objets prennent leur revanche, que la distance entre la pensée et son objet est abolie. Ainsi, l’objet nano-technologique se propose-t-il de palier aux défaillances et insuffisances( ?) de la pensée.

 

La pensée n’est pas venue à bout de la lecture de la complexité du monde. Ce d’autant que ce dernier joue de la réversibilité et du voile face à l’obscénité de la lecture intégrale.

Jean Baudrillard (encore lui !) disait que « si elle veut faire évènement dans le monde, la pensée doit être à son image(…) Donc il faut retrouver une sorte de pensée évènement qui parvienne à faire de l’incertitude un principe et de l’échange impossible une règle du jeu, sachant qu’elle n’est échangeable ni contre la vérité, ni contre la réalité ».

A cela on objectera que, puisqu’aujourd’hui tout fait évènement, il n’y a plus d’évènement possible, mais des éléments d’une réaction en chaîne d’impacts fragmentaires.

Il semble que si la pensée veut conserver une quelconque valeur, il lui faudra aussi se saisir du fragment et en jouer dans l’idée de générer une forme de séduction, d’altérité fragmentaire radicale et paradoxale.

Il faudrait non pas une pensée de l’accumulation des preuves, de la production généralisée de fragments, mais une pensée qui poserait le fragment comme artifice de la séduction.

Peut-être y aurait-il là matière à détourner les fragments de leur tentative virale de réponse, de leur production excédentaire.

S’il y a une radicalité du fragment, la manière d’éviter qu’il devienne fatal serait peut-être de faire qu’il se perdre dans l’excès de sa propre production, qu’il atteigne une masse critique par une auto-contamination qui nuirait à sa vitesse de contamination. En jouant du fragment comme objet de séduction, la pensée parviendra peut-être à s’auto-immuniser.

Sans cela, et à force d’accélérer la fragmentation, il nous faudra un jour faire face à une forme de virtuel infinitésimalisé.

 

Marc Bozec



01/11/2012
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