Mensonge et fragment (20/05/12)

Mentir est un art nécessaire et sans le mensonge, il ne serait sans doute rien de social.

Sans aller questionner la notion ambiguë de la vérité, il suffit de rappeler la nécessité du voile qui en masque l’existence, autant qu’elle la révèle, sans jamais pour autant la poser comme telle.

 

L’un des moteurs de l’humain étant de toujours chercher à savoir ce qu’il y a derrière le voile. L’un de ses fondamentaux étant paradoxalement de produire ce même voile, quand bien même il peut avoir prétention à « l’authenticité »…

Se regarder dans le miroir est une activité qui génère le masque plus qu’elle ne dit quelque vérité que ce soit.

Mentir, se mentir aussi, c’est prendre le parti de l’unité, de son présupposé. C’est se savoir, ou du moins se percevoir, complexe, contradictoire et le revendiquer comme tel, l’assumer.

 

Faisons abstraction du mensonge pathologique, de la mythomanie, pour convoquer celui  qui relève de l’art : l’art est une des plus belles façons de mentir au monde et de le ravir, pour reprendre en substance les propos d’Oscar Wilde.

Mentir est un art de la composition, comme un art aussi bien de la fuite que de la revendication de soi. Si je mens, cela peut être pour me fuir, mais cela vient de ce que je sais qui je suis, et que ce qui m’apparaît comme une vérité, ma vérité, a besoin d’être travestie.

 

Qu’en est-il du nouveau sujet face au mensonge ?

Il semble qu’il ait fait le choix de s’en extraire, faute de pouvoir envisager la perspective d’en affronter les conséquences. Il n’est pas en mesure d’assumer ce retour, cet écart entre soi et le discours mensonger sur soi. Cela faute d’une unité, cela par excès de fragilité, et par le fait d’avoir à vivre des blessures narcissiques béantes, vertigineuses.

 

Le choix qu’il fait du fragment l’extrait de la pratique du mensonge.

Il entend néanmoins qu’on lui mente en retour pour lui donner de la valeur. C’est sur ce registre que se joue la partition du tout festif, du tout jouissif, devenus des impératifs sociétaux, de véritables injonctions au fragment.

Les fragments autonomisés, on l’a déjà expliqué, donnent à voir des instantanés qui se veulent crédibles et sans références à l’unité possible du sujet.

Sitôt produits, ils sont consommés et extraits de la sphère de la responsabilité.

La situation est plus confortable et la jouissance inhérente à chaque fragment est sans limite, sans retour et donc sans culpabilité.

 

Le mensonge n’est pas nécessaire au nouveau sujet, et il n’a guère besoin d’y avoir recours, extrait de lui-même, de manière séquentielle par l’expression de ses fragments.

Il n’est pas concevable de considérer chaque fragment comme un mensonge puisqu’il n’y a ni distance à soi, ni retour sur soi, pour pouvoir mesurer la portée d’une intentionnalité. Chaque fragment est autonome et sans rapport à la morale dont il est hors d’atteinte.

Le fragment est le paradigme de la jouissance, du pulsionnel et de l’immédiateté, et il n’a pas pour vocation, bien au contraire, à être référencé, identifié, ni à poser l’émetteur en tant que tel.

 

Poser le mensonge comme un art ou comme une nécessité à la vie sociale, voilà ce qu’il n’est pas en mesure de réaliser. Et c’est en partie pour cela que l’on rencontre de plus en plus de réactions outrées, pulsionnelles, voire agressives chez de nombreux sujets. Force est de constater qu’ils ne peuvent supporter d’être pris en délit de fragmentation. Le fragment a des composantes explosives qu’il ne fait pas bon stimuler.

 

Mentir face au fragmenté est une solution à qui veut ménager ses arrières et ne veut pas perdre d’énergie dans un dialogue de sourds.

Le fragment  à la place du voile et du mensonge, peut-être une des vérités du nouveau sujet…

 

Marc Bozec.

 

(Un très intéressant petit livre à se sujet : « le déclin du mensonge » d’Oscar Wilde)



20/05/2012
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