fragments et politique suite (20/04/12)

 

La fragmentation est une clé possible pour la lecture du politique. Force est de constater un désengagement politique : l’appartenance, l’adhésion à un parti ne fait plus partie de l’identité des individus, et l’intérêt qu’ils y portent est pour beaucoup d’ordre médiatique.

 

Ce qui se joue en politique est de l’ordre du pulsionnel et de l’émotion. Le politicien s’est fait « bête de scène », il instrumentalise son image privée et multiplie les supports d’expression de son programme à travers les médias et les « réseaux sociaux » en ligne.

 

C’est avant tout de lui dont il parle usant d’une forme de narcissisme miroir propice à capter du narcissisme électoral.

Il se fragmente en interventions de toute sorte dont les impacts ponctuels se veulent avoir force de sidération et réaffirment une présence instantanée, immédiate et incontournable.

Cela comme si il craignait d’être oublié ne serait-ce qu’un instant…

 

Christian Salmon parle « d’hystérification » du politique. On est effectivement dans un excès émotionnel conjugué à la théâtralité et à une forme d’exhibitionnisme. Les politiques ne cessent de nous raconter des histoires qui se contredisent d’un instant sur l’autre ; Nicolas Sarkozy s’en est d’ailleurs fait le chantre, qui n’hésite pas à dire la chose et son contraire sans le moindre souci de perdre en cohérence.

Chacune de ces histoires fonctionne en fragment autonome et son propos est garanti dans la vérité de l’immédiat : ce n’est plus tant ce qui est dit qui compte, mais c’est la faculté de le dire vite et en utilisant le bon « médium ». Il faut que ça « buzz » !

 

Jugés impuissants face à la crise monétaire, on attend des politiques qu’ils « donnent le change », que somme toute ils nous paient en monnaie de singe et que le spectacle en vaille la peine.

 Et pour cela, il ne leur reste que le fragment pour séduire. Gare à ceux qui voudraient parler de politique et qui réclameraient un engagement des citoyens : ceux-là sont perdus d’avance, on ne leur pardonnerait pas leur intégrité. Qu’il soit dans la parodie festive du politiquement correct, de l’indignation, voilà de quoi faire vibrer les foules. Mais en tout état de chose, qu’il parle de lui en donnant le sentiment que chaque fragment volatile soit un reflet de possibles qui n’engagent en rien.

 

 Le politique est passé au stade fragmentaire de l’érotisation et du virtuel : il faut que la séduction s’opère par le stratagème de la réversibilité, que les fragments s’équivalent de part et d’autre pour  mieux se neutraliser et que le pouvoir disparaisse en tant que menace de réalisation et de saisissement.

 

 

Marc Bozec.



21/04/2012
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