femme à lunettes(28/08/12)
Nous voilà donc déjà à l’ère de l’informatique émotionnelle. Il était temps que l’on se saisisse de nos émotions après en avoir fait le paradigme de nos réactions.
La startup de Rosalyn Picard du M.I.T (lire à ce sujet l’article d’Hubert Guillaud sur le site InternetActu.net) s’est spécialisée dans les mesures de l’émotion.
Les fameuses lunettes évoquées par Pierrick Hamelin en réaction à un précédent article (et habilement moquées par Fred), lui permettent de mettre à nu vos sentiments, par delà vos propos, en analysant les rictus, fussent-ils imperceptibles, de votre visage.
Donc, l’écran au ras des yeux et celui qui est l’objet de la vision réduit par une transparence implacable.
Si le langage est une façon d’habiller notre perception pour dire notre embarras face à la réalité, voilà qu’on veut lui ôter la faculté qu’il nous donne d’avancer voilé. L’obscénité n’est pas loin : il faut du tout à lire et de l’Autre en transparence radicale. Quid alors de l’expression polie, de l’appréciation diplomatique qui peuvent éviter bien des disconvenus à un interlocuteur en attente de reconnaissance ? Allons-nous vers la fin du langage au profit du pur émotionnel ? Déjà le premier se réduit à l’avantage du second…
Fort de ce langage, nous avons cessé depuis longtemps de pouvoir interpréter les moindres signes des visages rencontrés. Il nous faut une certaine outrance du trait pour saisir ce dont il retourne. La capacité à percevoir ces signes ténus a régressé avec la civilisation, nous éloignant de nos perceptions plus « animales ».
Petit paradoxe : par le biais de l’informatique émotionnelle, on nous faire croire qu’il s’agit de faire du plus « humain », de l’émotionnel maîtrisé au profit de nos relations sociales, et en même temps, c’est par ce qu’il y a de moins sociabilisé, à savoir l’émotion, qu’on a prétention à renforcer ces relations, et ce, au détriment de l’Autre.
Mais sans l’Autre, et ses émotions d’ailleurs, qu’en est-il du social ?
Ce qui va être drôle, c’est qu’il y a de fortes chances pour que se développe du « coaching facial », histoire d’apprendre à maîtriser ses traits face aux porteurs de lunettes dont il faudra dès aujourd’hui apprendre à se méfier…
Marc Bozec.