Evaluation, à quoi bon?(17/04/12)

D’une évaluation, on attend qu’elle produise de la cohérence, la cohérence d’un récit dans lequel s’inscrit l’individu comme la cohérence dans laquelle devrait s’inscrire l’instance évaluante.

 

Or, il s’agit le plus souvent d’une reconnaissance ponctuelle au regard d’une production, d’un comportement, qui fait que celui qui est évalué flotte de manière instable entre les possibles de différents rôles ou statuts professionnels ou sociaux. Et cela sans que ces derniers soient clairement identifiés au delà du « donner toujours plus », de l’angoisse et de l’insécurité que cela induit.

 

Toute évaluation devrait relever d’un triptyque qui mettrait en jeu l’évalué, l’évaluateur et le principe de réalité (auquel l’un comme l’autre accepteraient de se confronter dans le cadre d’un projet en rapport avec la réalité), et ne pas perdre de vue la dimension dynamique de l’être au monde.

 

Les évaluations nationales à l’école produisent du négatif, de la reconnaissance négative, du fragment, sur un registre performatif et consumériste.

Pas d’élévation par la réussite, mais une mise en jeu de soi dans un marché de dupe.

Chronométrage, consignes de passation strictes, codage fermé, absence d’un droit à l’erreur formatif, tout semble réuni pour provoquer de l’instabilité et un doute sur la reconnaissance de l’institution. L’enfant y consomme des batteries d’exercices dans un temps limité qui n’est pas sans rappeler le temps imparti à la production dans l’industrie.

Au terme de son travail, il ne fait jamais que savoir qu’il ne sait pas et l’enseignant n’est pas plus renseigné qu’il ne l’était déjà sur les besoins de ses élèves.

 

En amont, on se défend de toute comparaison en brandissant le spectre de l’anonymat, mais on compare à qui mieux mieux, on invective, on lisse les courbes, on menace et on sanctionne si les résultats ne sont pas transmis.

 

Par période scolaire, en interne, on ne cesse d’évaluer, de « valider des compétences », quand bien même on sait que tout est en construction, et que c’est la répétition, comme l’oubli passager qui construisent les concepts.

 

On a vraiment le sentiment d’avoir affaire à une société charnière, à une institution charnière qui se rassure par le simulacre, faute de savoir où elle va, et faute de savoir quoi faire face aux nouveaux sujets.

 Dans le doute et la précipitation, on surenchérit sur le mode productif jusqu’alors en cours, et on inscrit l’élève dans une logique consumériste de la disparition de soi comme ultime objet à consommer. Il faut qu’il se consomme pendant la passation et il faut qu’il soit consommé statistiquement.

 Par la suite le discours de la mise à disposition des conditions de la réussite comme dernier élément cosmétique finira de persuader l’élève de ce qu’il est finalement bien seul au monde. Pas vraiment d’unité, mais une fragmentation des regards, des savoir faire, des savoir être (ou ne pas être). Une solution que certains adoptent : s’absenter au monde et à eux-mêmes, se forclore, se fragmenter, se mettre vraiment en difficulté…Il faudra alors psychologiser à tour de bras pour tenter de recoller les morceaux.

 

Bel effet pervers que celui d’une démarche qui exclut la valeur de chacun en le mesurant à l’aune de la production et de l’incertitude. Le plus triste dans tout cela c’est qu’on pousse le vice jusqu’à parler de « projet personnel de réussite éducative »…

Que de blessures narcissiques en devenir, ce d’autant qu’à l’opposé on fabrique du narcissisme inflationniste qui conduit un peu plus les élèves à être leur propre référence en termes de savoir et de comportements. Si d’un côté tout se vaut, la parole, les savoir de l’adulte et ceux de l’enfant, comment faire croire aux élèves à la validité de telles évaluations ?

Il y a fort à parier, et cela est déjà plus ou moins dans l’air, qu’à terme on donne à la machine (l’ordinateur) le rôle du grand évaluateur impartial…

 L’école serait-elle victime de la « com », de la novlangue de bois ? Et à quand de véritables moyens au quotidien ? Il semble aller de soi, côté ministère, qu’il est plus facile de gérer de l’évaluationnite aigue, du simulacre, que de se pencher vraiment sur les conditions nécessaires aux élèves et aux professeurs pour réussir.

 

Marc Bozec.



17/04/2012
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