concentration ( 10/02/14)

J’avais pour projet d’écrire un court article sur l’attention et la concentration, et voilà que je me trouve moi-même en proie à quelques difficultés à assurer l’une et l’autre.

En effet, d’emblée, le nombre d’entrées possibles à cette réflexion est d’une grande multiplicité.

 

Alors Attention à qui, à quoi, pour qui, pourquoi ?

Le constat de départ était la déperdition de ces deux constantes indispensables à tout apprentissage, ce particulièrement chez l’enfant, bien que l’adulte ne soit pas exempt.

Tout semble provenir de la multiplicité des sollicitations conjuguée à une injonction jouissive pulsionnelle. Cela peut aller jusqu’à la nomophobie (no mobile phone phobia dont 77% des américains de 18 à 24 ans sont atteints).

Dans ce cas, il s’agit d’une attention soutenue à des sollicitations qui deviennent addictives et qui génèrent une grande difficulté à la concentration. Il en va de même de toutes les pratiques qui figent face à un écran et qui extraient de la réalité (ce même si d’aucuns ont professionnellement à subir par ce biais les assauts d’une sorte d’hyper réalité tyrannique).

Le substitut qu’est la virtualité devient même un mode d’expression, de retrait face à la nécessité refusée de se commettre (pour reprendre une terminologie existentialiste). S’immerger dans un monde virtuel donne l’illusion d’une protection quasi utérine face à laquelle le monde fait figure d’un véritable enfer.

 

La concentration présuppose la notion d’un centre vers lequel convergent les données dont on envisage l’analyse, l’appropriation. Or, il se trouve que les modèles culturels qui s’imposent aujourd’hui procèdent de l’externalisation : plus besoin de savoirs, il suffit de savoir où sont stockés ces savoirs, de maîtriser une connectique et d’utiliser des appareils qui se substituent à la mémoire et à la connaissance.

Pourquoi donc se concentrer, alors que l’attention suffit à entretenir un réseau ?

Il se trouve cependant que la surcharge peut survenir et produire un « burn out numérique » dans cette société de la « disponibilité totale » (terme de Roland Jouvent cité dans le Nouvel Observateur d’octobre 2013).

 

Aussi lorsque l’on parle d’une perte de l’attention, il faut en préciser la nature.

Elle procède d’abord d’une perte de l’attention à l’autre et à l’Autre, en ce qu’ils peuvent intervenir dans les processus d’apprentissage, au profit d’une attention à leur présence sur le mode du réseau. C’est aussi une attention, un faire attention à ne pas être identifié.

Le nouveau sujet, nous l’avons déjà évoqué, est dans le déni et la fuite de toute identification, de toute identité assumée.

Et c’est là qu’un nouveau type de concentration apparaît : une concentration à être attentif à ne pas être concentré, c'est-à-dire à être dans un effort posé et constructif. Ce qui prime, c’est l’immédiateté de la jouissance des résultats sans se compromettre en tant qu’individu ; la temporalité que demandent attention et concentration tels qu’on les entendait comme paradigmes de la réussite scolaire en sont aux antipodes.

Peut-être est-ce aussi un mode réactif du sujet face à une société « maternelle »qui n’a à proposer que du simulacre et qui fuit ses responsabilités éducatives en validant l’option du tout-à-jouir.

L’indécidabilité et la délocalisation sont deux phénomènes à prendre en compte dans notre réflexion.

 Somme toute : être concentré à être attentif, ou être attentif à être concentré ? ou bien être concentré à ne pas être attentif pour ne pas être attentif à être concentré ?

Avez-vous bien relu la phrase au dessus ? J’avoue qu’elle m’amuse…

 

Marc Bozec



16/02/2014
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